D’après une récente enquête, plus d’un décideur RH sur deux estime que la crise sanitaire a eu un impact très significatif sur les priorités du système d’information RH. Qu’il s’agisse de le mettre en place ou de le faire évoluer, DRH et DSI doivent jouer la carte de la collaboration, comme l’explique Arnaud Pellissier-Tanon, maître de conférences en sciences de gestion à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et responsable pédagogique du master SIRH.

 

Quel rôle doit jouer la DRH dans les démarches de transformation digitale ? 

Il est important que la direction des Ressources Humaines soit motrice et adopte une posture d’agent du changement, en collaborant avec la DSI mais aussi les directions opérationnelles. Cela implique de comprendre l’ensemble des enjeux, par exemple en termes de qualité des bases de données, mais aussi de s’engager dans une démarche de transformation des pratiques et des processus RH

Le déploiement d’un outil SIRH va avoir un fort impact sur les missions et le fonctionnement du service RH. On ne peut donc se passer d’une réflexion amont sur ce qu’est un processus de recrutement, une compétence cruciale, un talent, une action de formation ou encore une politique de rémunération.

 

À vos yeux, quels sont les principaux points de vigilance dans la mise en place d’un SIRH ?

Le travail préalable de remise en question des processus va contribuer au choix du bon outil – d’un point de vue technologique mais aussi, et surtout, des besoins métiers. Il faut aborder chaque projet de digitalisation sous le prisme de ses apports, de sa plus-value, pour éviter l’empilage de solutions et d’outils qui finirait par faire perdre le sens de la démarche et de ses objectifs.  

Ensuite, la DSI va être en première ligne pour prendre des décisions importantes en termes de management des SI, d’architecture et d’urbanisation, d’interface, de mode SaaS ou propriétaire. En amont, elle doit opérer un diagnostic précis des outils, de leur interconnectivité, de leur pertinence. Ce travail va contribuer à inscrire le SIRH dans une stratégie de long terme, adaptée à l’historique des SI de l’entreprise.

La notion de maîtrise d’ouvrage prend tout son sens dans ces projets, impliquant une réflexion sur le schéma directeur qui va projeter dans l’avenir la transformation du SIRH, en vue des fonctionnalités qui pourraient être utiles dans 5 à 10 ans. Tout l’enjeu consiste à prendre en compte le passé et l’avenir pour trouver des réponses dans le présent.

 

Comment DSI et DRH peuvent-elles collaborer efficacement ? Quelles sont les bonnes pratiques ? 

Je vois deux conditions d’une coopération de qualité : il faut être compétent et rester humble. Savoir de quoi on parle, écouter, ne pas chercher à s’imposer, sont autant d’attitudes qui vont permettre d’aborder les problématiques en profondeur et agir de manière pragmatique. Or DSI et DRH sont deux mondes différents, avec une culture et un langage différents. La fonction SIRH peut donc se révéler essentielle en servant de traducteur entre ces deux mondes. 

Nous avons vu que le professionnel SIRH ne peut travailler efficacement que dans la mesure où il existe un schéma directeur de l’évolution du SI et de ses incidences en termes SIRH. Pour autant, j’estime préférable que cette fonction soit rattachée à la DRH pour partir de la problématique métier et conserver ce prisme tout au long du déroulement du projet.

 

Le défi, pour les entreprises, est de disposer de professionnels SIRH bien formés. Quel doit être leur socle de compétences, métiers comme comportementales ?

Il est tout aussi essentiel de connaître l’ensemble des sujets couverts par la fonction RH que de savoir dialoguer avec la DSI. Dans le master dont j’assure la responsabilité pédagogique, les cours de SIRH vont porter sur deux grands domaines : le traitement des données en masse et la gestion de projet. Les deux vont de pair actuellement ; les principaux projets SIRH portent de nos jours sur le Core RH et cherchent à dépasser les problèmes de qualité et disponibilité des données, sur lesquelles butent les projets d’intelligence artificielle. Sur le volet des soft skills, les compétences primordiales relèvent de la gestion de projet, ce qui implique une habileté relationnelle, un sens de l’organisation, des capacités d’animation managériale, etc.

 

La fonction SIRH est aussi précieuse pour venir en appui des utilisateurs. Grâce à sa connaissance fine des problématiques de terrain, elle peut mettre l’outil SIRH au service des utilisateurs et les aider à en tirer tout le potentiel opérationnel.