La dématérialisation des processus RH n’implique pas une déshumanisation des relations sociales au sein des organisations. Au contraire, de nombreux exemples montrent qu’elle offre l’occasion d’un recentrage autour de l’humain. Encore faut-il que la direction générale l’entende ainsi.

La dématérialisation au cœur de la réussite de la gestion de la crise sanitaire

Nul ne le conteste : la crise sanitaire accélère la transformation numérique des entreprises. La dématérialisation s’est posée comme une solution robuste et efficace lorsque tout le pays a été confiné, il y a tout juste un an. Sans elle, aucune Direction RH n’aurait pu respecter ses missions, et en particulier celle de la gestion de la paie. C’est un grand pas qui a été fait. Car il y a dix ans, le sujet suscitait de nombreuses objections. Entre-temps, les pratiques RH ont évolué et doivent continuer leur mue.

La gestion de la paie illustre bien les mutations qui s’opèrent dans les équipes RH et dans la compréhension de leur rôle au sein de l’entreprise. Longtemps, la distribution de la main à la main du bulletin de paie était perçue comme un acte fort de management. Chaque mois, ce rituel permet, quand ce sont les RH qui font le tour des équipes, d’échanger avec chaque collaborateur. Ce dernier peut alors se saisir de l’instant pour poser une question ou évoquer un point particulier. Le temps a montré que ce lien et ce liant dévoué au papier étaient surprenants, voire absurdes. D’autant plus lorsque ce sont les managers qui servent d’intermédiaires pour la distribution : ils sont rarement en capacité de répondre aux questions concernant la fiche de paie et renvoient au service en question.

Des relations sociales plus sincères

Quand la dématérialisation s’est développée pour limiter les tâches chronophages et à faible valeur ajoutée, les résistances n’ont pas manqué pour en retarder la mise en œuvre. La fonction RH, ou plus précisément les équipes de la gestion de la paie y perdraient un point de contact régulier avec chaque collaborateur. Ce qui est vrai pour une organisation suffisamment importante où la gestion des bulletins de salaire peut être l’apanage d’une équipe très cantonnée à la paie, selon les règles de l’art, et la convention collective.

Ici, cette peur vient de la qualité de la communication et du travail collaboratif avec les autres équipes RH. Or, il est urgent de se remettre en question quand il faut distribuer, de la main à la main, un bulletin de paie pour avoir un feed-back, un point de contact collaborateur. Aujourd’hui, une large majorité des entreprises a opté pour l’envoi à domicile et montre qu’effectivement il existe bien d’autres façons pour créer du lien et des échanges réguliers entre les RH et les collaborateurs. Et cela s’applique à toutes les démarches RH, comme le contrat de travail.

Intensifier les échanges entre DRH et collaborateurs

Malgré la distanciation en raison de la crise de la COVID-19, la fonction RH n’a jamais autant échangé avec chaque salarié que durant les douze derniers mois qui viennent de s’écouler. Rien d’étonnant à cela : la dématérialisation fait gagner du temps et apporte de la disponibilité pour les DRH afin de mener de vrais échanges et de vraies discussions.

Pour autant, il n’y a pas de recette magique. Rematérialiser l’humain s’inscrit dans une démarche plus large que celle de la gestion des Ressources Humaines. Une dématérialisation réussie repose sur les changements en amont et en aval à sa mise en place. Si la direction générale choisit de dématérialiser pour réduire les RH ou les réaffecter à d’autres missions dans l’entreprise, alors effectivement, le salarié ne va pas comprendre que ces points de contact aient disparu au profit de « robots » et autres démarches automatisées sans échange humain.

Recentrer la fonction RH sur l’humain

Investir dans l’humain est un choix stratégique, où la dématérialisation se place comme un facilitateur nécessaire, mais pas suffisant. Il ne faut pas alléger les équipes RH, mais leur allouer le temps gagné à des missions et sujets centrés sur l’humain, jusqu’ici peu ou mal traités. Le plus bel exemple de réussite en la matière, ce sont les services des impôts. Grâce au portail impots.gouv.fr, chaque contribuable dispose d’un contact beaucoup plus rapide avec un inspecteur des impôts. Ce succès tient dans le fait que la dématérialisation a été mise en place pour allouer du temps dans les échanges avec les usagers. Toutes les administrations n’ont pas fait ce choix et la dématérialisation les a complètement déshumanisées.

Les entreprises ont donc tout intérêt à suivre la démarche de la DGFIP. Leur agilité ne peut plus reposer sur des entretiens d’évaluation programmés tous les deux ans, mais sur des échanges réguliers. Elles ont besoin d’une relation triangulaire — les DRH, les managers et les collaborateurs — pour anticiper les explosions de conflits et les échecs afin de trouver les solutions avant l’irrattrapable. Dit autrement, aujourd’hui et demain, pour les RH, le cœur de la mission consiste à accompagner chaque salarié dans son expérience collaborateur : être à l’écoute, conseiller et accompagner le collaborateur individuellement avec des réponses personnalisées et adaptées.